Comment comprendre et surmonter une déception

Christophe André

Les petites frustrations du quotidien qui nous séparent des personnes de notre environnement. Pouvons-nous faire quelque chose pour gérer les déceptions?

Chaque fois que nous nous sentons déçus - par un certain résultat, par notre comportement ou celui d'une autre personne … - c'est parce qu'auparavant nous avions créé certaines attentes loin de la réalité. La solution n'est pas d'arrêter de nous exciter, mais de consacrer toute notre énergie à tirer le meilleur parti de ce que nous avons à vivre .

Une histoire pour comprendre la déception

Quand j'avais cinq ou six ans, mon père m'a donné un petit livre pour mon anniversaire . C'était mon premier livre, un vrai livre, plein de texte. Ce n'était pas une bande dessinée ou un album illustré. Je venais d'apprendre à lire et je me souviens parfaitement de ma réaction: une énorme déception! Pourquoi un livre? Comme si j'étais un adulte… je ne voulais pas de livre! Je voulais un jouet! Je n'ai rien osé lui dire pour ne pas blesser ses sentiments, mais je suppose que la déception s'est manifestée sur mon visage. Je me souviens encore du titre du livre: Oui-Oui et la voiture jaune, dans la collection pour enfants de la Bibliothèque Rose (Oui-Oui est un personnage créé par l'écrivain de littérature jeunesse Enid Blyton, connu en espagnol sous le nom de Noddy). Je l'ai lu à contrecœur.

Mais oh miracle! J'ai beaucoup aimé et depuis je n'ai pas arrêté de lire. La lecture est devenue l'une des activités auxquelles je consacre le plus de temps et qui me procure le plus de plaisirs. Et l'écriture de livres est ma deuxième profession aujourd'hui, avec celle de médecin. Ma déception, bien que réelle, était trompeuse; douloureux au début, il a cédé la place à une passion qui me dure encore aujourd'hui, bien des années plus tard.

Définir le concept

La déception est ce mouvement de surprise et de tristesse qui nous frappe lorsque nous n'obtenons pas ce que nous attendions et que, souvent, nous avions espéré avec impatience se produirait. Certaines situations peuvent nous décevoir: une fête moins joyeuse que prévu, la défaite de notre équipe de foot , un temps pluvieux, le résultat des élections … On peut aussi être déçu par quelqu'un: un ami qui trahit notre confiance, un enfant qui ne joue pas à l'école, un conjoint qui n'est pas réceptif lors d'une soirée intime parce qu'il est trop préoccupé par le travail …

La déception ne vient que lorsque, auparavant, nous avons attendu ou aimé, lorsque nous avons traversé une attente positive. C'est comme une chute, un retour douloureux à une réalité loin de nos attentes. Sans attentes, il n'y a pas de déception. C'est pourquoi nos ennemis ne nous déçoivent jamais, car nous n'attendons rien d'eux. Ainsi, pour éviter toute déception, on peut essayer de ne rien attendre, ni de la vie ni des autres. Mais ce détachement suprême ne nous paraît ni très joyeux ni attrayant . Nous préférons vivre avec des espoirs que suivent parfois des déceptions, plutôt que de neutraliser toutes nos illusions afin de ne ressentir aucune déception. Et nous avons raison, car il existe une autre façon de vivre avec.

Recadrer notre façon de vivre les déceptions

Beaucoup de patients qui viennent dans mon cabinet sont déçus. Mais votre problème est-il une déception? Ou plutôt une manière inappropriée de la vivre? Il y a vraiment des déceptions malades: ce sont celles sur lesquelles on rumine constamment, qui nous poussent à nous retirer du monde et à nous distancer, qui suivent ce raisonnement: «J'ai déjà été trop souvent déçu; chaque fois que j'ai donné ma confiance, dans l'amitié, dans l'amour, à chaque fois que j'ai attendu … déception et souffrance! J'ai donc décidé de ne plus m'engager et de ne rien attendre ».

En tant que thérapeute, je crois que cette attitude engendre les personnes les plus malheureuses du monde. Nous ne pouvons pas vivre sans attentes ni espoirs, et c’est parce qu’ils nous rendent aussi heureux que la réalisation de nos objectifs et, parfois, même plus. Je me souviens d'une phrase bien connue qui disait: "Le meilleur moment en amour, c'est quand on monte les escaliers." Et c'est ainsi parce que la moitié de notre bonheur est dans l'attente et l'autre moitié, dans le moment présent. Alors, au lieu d'éviter le sentiment de déception, faisons-en un meilleur usage.

Réflexion sur la situation

La déception est un double dommage: nous sommes déçus par la situation - une pluie qui ne s'arrête pas et nous irrite - et aussi notre attitude - grogner contre la pluie est inutile, mais nous grognons quand même. Cependant, il est bien connu que vous devez accepter la vie telle qu'elle est. Marc Aurèle, l'empereur philosophe, disait: «Ce concombre est-il amer? Chuck it. Y a-t-il des ronces sur la route? Évite-les. C'est assez. N'ajoutez pas: "Pourquoi cela existe-t-il dans le monde?" Et comme un autre philosophe, André Comte-Sponville nous le rappelle: «La déception fait partie de notre humanité. Nous devons donc l'accepter aussi et cesser d'espérer que nous ne serons plus jamais déçus » .

Ainsi, la déception nous amène à réfléchir sur l'acceptation, cet élixir à vivre dans la réalité et non dans une succession d'illusions et de déceptions. Accepter ce n'est pas démissionner ou se soumettre, ce n'est pas renoncer à attendre ou à agir. C'est prendre acte de ce qui existe déjà: accueillir le monde tel qu'il est, plutôt que l'exhorter à être comme il se doit. C'est aussi accepter la déception, reconnaître calmement que nous nous attendions à quelque chose de différent. Se dire simplement: "Eh bien, les choses sont comme ça", et cesser de se plaindre ("Pourquoi les choses ne sont-elles pas différentes?"), Pour revenir ensuite à la réalité et voir ce que l'on peut faire: la déception Il conduit ainsi, en douceur et progressivement, à l'action.

On peut aussi se sentir déçu de soi: toutes les occasions où nous n'avons pas été à la hauteur de ce que nous attendions, que nous n'avons pas obtenu les résultats escomptés. Encore une fois, la solution ne se trouve pas dans la résignation («je n'essaierai jamais rien») ni dans la dévaluation de soi («je suis inutile»), mais dans l'acceptation: tant que je serai en vie, je proposerai de vivre. Et dans tout ce que j'ai entrepris de faire, parfois je réussirai et d'autres fois j'échouerai. Ma vie sera donc une succession de réjouissances et de déceptions. Et c'est bien qu'il en soit ainsi. La vie est faite ainsi: la déception a sa place. C'est l'écrivain Paul Valéry qui fait remarquer dans ses Mauvaises pensées et autres (1942): «Je suis décevant: une belle devise de quelqu'un… peut-être d'un dieu? Le monde et ses habitants sont-ils parfois décevants? Peut-être sont-ils pour nous aider à mieux apprécier tout ce qui ne l'est pas.

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