La forêt est un médicament sans effets secondaires
Ignacio Abella
Entre les arbres, les cellules se régénèrent et l'âme se nourrit. La nouvelle thérapie du "shinrin-yoku" vous invite à vous immerger dans les forêts anciennes pour son pouvoir de guérison.
Jusqu'à il y a quelques décennies, à Cuba, ils gardaient secrets la culture et les croyances de leur extraordinaire religion afro-cubaine . Seuls les initiés pouvaient accéder à la richesse de leurs rituels et connaissances.
Lydia Cabrera et Natalia Bolívar ont recueilli le témoignage de cette tradition auprès des anciens et l'ont transmis au monde occidental. Natalia elle-même nous a raconté avec le ton sérieux et lent avec lequel elle a dû écouter la légende d'Iroko, la Ceiba, qui parle de chacun de nous et de notre monde.
L'origine des bains de forêt
Au début, il y avait une compréhension parfaite entre la Terre et le Ciel. Le ciel veillait sur la Terre. La vie était heureuse et la mort est venue sans douleur. Tout appartenait à tout le monde et personne n'avait à régner ni à vaincre.
Mais la Terre a commencé un jour à se disputer avec le Ciel et a dit qu'elle était plus âgée et plus puissante, la créatrice et la soutienne: «Sans moi, le Ciel n'aurait aucun support et s'effondrerait, je crée tous les êtres vivants et je les nourris. Tout. il naît de moi et tout me revient ". Oba Olorun, le Roi Soleil, n'a pas répondu mais a fait un signe au Ciel et le Ciel s'est éloigné en marmonnant: "Votre punition sera aussi grande que votre orgueil."
Iroko, le Ceiba, commença à méditer au milieu du grand silence qui s'ensuivit. Elle avait ses racines enfoncées dans les entrailles de la Terre, tandis que ses branches s'étiraient profondément dans le ciel. Il comprit alors que l'harmonie avait disparu et qu'un grand malheur allait venir .
Le ciel a cessé de surveiller la Terre, il a cessé de pleuvoir et un soleil implacable a fait disparaître toute la végétation. Ainsi, la laideur et l'angoisse, la maladie, la peur et la misère sont apparues sur le monde.
Seule la Ceiba, qui depuis des temps immémoriaux vénéra le Ciel, resta verte et saine et servit de refuge à ceux qui avaient pu pénétrer le secret qui était à ses racines. Ils ont été purifiés au pied de la Ceiba. Ils ont fait des prières et des sacrifices et le Ciel s'est enfin ému et a envoyé de grandes pluies sur Terre.
Ce qui restait vivant en elle a été sauvé grâce à l'abri que leur a offert Iroko. Mais depuis, si tout est redevenu vert, le ciel n'est plus un ami, il reste indifférent. Iroko a sauvé la Terre et, si la vie n'est pas plus heureuse, blâmez-la sur la fierté …
Ce mythe coïncide avec bien d'autres dans le monde qui parlent des arbres et de la forêt comme gardiens de l'harmonie et de la santé physique et mentale de l'être humain. Les forêts sont des tisserands infatigables des délicats équilibres atmosphériques et climatiques de cette planète, elles nous nourrissent et nous protègent de mille manières différentes.
Aujourd'hui encore, les santéros cubains vont dans la forêt comme quelqu'un qui entre dans un temple pour récupérer sa santé et collecter des remèdes médicinaux pour le corps et l'esprit.
Shinrin-yoku, plonge dans les arbres
Les béatitudes de l'arbre atteignent toutes les dimensions de l'être humain et de son environnement et ces derniers temps une pratique qui a commencé au Japon et qui se répand dans le monde est devenue à la mode . Cela s'appelle shinrin-yoku, et cela pourrait être traduit par «bain de forêt».
Inspiré des traditions shinto et bouddhiste, il s'agit de s'intégrer dans la nature et de se promener dans les forêts, idéalement parmi les vieux arbres, en oubliant les soucis, les téléphones portables et les appareils photo. Entrer avec une attitude calme et méditative dans l'atmosphère limpide des bosquets, se laisser guider par les sens. Écouter, sentir et goûter, toucher et étreindre, regarder et observer.
La forêt est un médicament sans effets secondaires. Guérissez de la meilleure façon possible, en restaurant notre naturel.
Une grande partie de sa vertu curative réside dans le fait qu'elle nous éloigne d'habitats et d'habitudes nuisibles pour commencer . Les environnements artificiels créent une grande partie de nos maladies et un retour à la nature peut suffire à restaurer la santé physique, mentale et spirituelle. On pourrait ainsi parler d'une santé intégrale que la forêt régénère.
Médecine extérieure
Cette «médecine» a commencé à être promue dans les années 1980 par des organisations officielles telles que l'Agence forestière du Japon, après avoir vérifié scientifiquement les effets bénéfiques de ces plongées. Il a été constaté que deux heures de marche consciente peuvent être suffisantes pour réduire les niveaux de stress et que les effets durent plusieurs jours après chaque «bain».
D'autre part, d' autres mécanismes bénéfiques ont été découverts qui vont bien au-delà des effets sains d'une simple promenade. Apparemment, dans l'atmosphère de la forêt, les zones du cerveau liées au plaisir et à l'émotion sont automatiquement activées .
Les objectifs et les préoccupations sont parqués et nous commençons à profiter du moment . Presque sans nous en rendre compte, nous faisons partie de cette symbiose unique qui se produit à chaque pas et à chaque respiration. Nous redevenons des animaux qui absorbent l'air pur et vital que les arbres respirent, alors qu'ils recueillent à leur tour notre souffle, pour eux nourrissants.
Le simple fait de fréquenter la forêt a également des bénéfices sur le système immunitaire , la glycémie, l'anxiété ou l'hypertension … Les preuves trouvées ont conduit à la création récente d'une Société internationale de médecine forestière qui identifie une grande diversité de substances, les soi-disant fintoncides émis par les arbres, comme responsables de certains de ces effets sur la santé.
Mais en dehors des considérations médicales, nous constatons empiriquement que les bosquets procurent un plaisir élevé, intime et serein, un bonheur durable et réparateur qui nous réconcilie avec nous-mêmes.
Précisément sous l'abri d'un hêtre feuillu, une amie nous a raconté qu'elle était enfant, elle avait sa maison près d'une forêt où elle s'était échappée pour jouer avec ses frères. L'expérience était si belle qu'à chaque fois qu'ils entraient, ils ouvraient une porte imaginaire avec une énorme clé qu'ils avaient trouvée dans le grenier et quand ils étaient partis, ils la refermaient soigneusement, la retournant plusieurs fois.
C'était sa façon de protéger ce monde où la réalité surpassait la magie. La serrure, bien sûr, était dans le grand arbre gardien de l'endroit.
Meilleur dans les forêts anciennes
Différentes études conviennent que cette thérapie est beaucoup plus efficace dans les vieilles forêts . Énorme paradoxe, car nous en avons presque fini avec eux et nous laissons à peine les arbres pousser une infime partie de leur temps.
L'impact que peuvent avoir les visites massives de ces dernières redoutes est inquiétant si la pratique du shinrin-yoku devient à la mode, comme cela se passe en Orient. Il faut veiller à ne pas instaurer une nouvelle consommation compulsive qui peut être dévastatrice pour ces écosystèmes fragiles.
L'alternative serait d' intégrer les parcs dans les villes, en laissant leur temps et leur espace aux grands arbres. Tout un défi pour une civilisation qui a oublié comment vivre avec eux sans les endommager constamment.
Peut-être apprendrons-nous enfin que, comme le raconte la légende d'Iroko, tout est lié : notre santé et celle des forêts, de la terre et du ciel. C'est ce qu'un ancien proverbe hindou enseigne que si l'on reste assis assez longtemps sous un arbre, on atteindra l'illumination. Nous n'aspirons pas à tant, mais nous aimerions que la forêt nous laisse sa marque profonde et indélébile.
